une approche introspective

La fumée de sa cigarette semble dessiner des dragons japonais, même son souffle est parfait. Intéressant de me dire, «elle est belle», même quand elle fume alors que je déteste ça, les gens qui fument. Je la trouverais encore belle, certainement, à ne faire que traîner, sans projet en tête, simplement exister jusqu’au lendemain. Et Dieu sait que je ne suis pas un grand fan de cette définition d’une journée.
On se contente de peu parfois; un peu de grâce et nous voilà réduit au rang d'esclave.

L’image, le masque du premier rendez-vous, ça n’est personne. Bien sur, c’est notre voix et notre enveloppe, mais on sait parfaitement qu’on n’est jamais aussi peu naturel qu’à ce fameux premier rendez-vous. Parfois on enjolive, parfois on ment carrément, parfois même c’est là que l’on commence sa psychothérapie. L'allure est empruntée, la chemise aussi parfois. Bref c’est plus ou moins nous, plus ou moins...

Je n’aime pas cette sensation de fragilité, on se sent mesuré et soupesé(parfaitement vulnérable) comme lors d’un entretient d’embauche. Cette idée que le pouvoir nous délaisse et passe le relai à l’anxiété d’une impardonnable maladresse, c’est troublant. Je suis fort aise de ne pas être d’un naturel timide et pourtant, je pèse chaque mot que je me répète dans la tête, avant de les prononcer à voix haute; rien n'est plus facile que de se faire passer pour plus bête qu'on ne l'est vraiment.
Nous bavardons, ça devient jamais très intellectuel, mais enfin… nous devenons de moins en moins étrangers l’un pour l’autre. En peu de temps, elle connait tout mon CV. Elle n’a que très peu de regard pour moi et parvient presque à me faire croire que ça n’est pas calculé. Elle parait calme, comme si elle faisait ça pour la millième fois. Je suis un gosse, je ne comprends pas grand-chose. J’essaie de la faire rire.
Alors que les artistes se débattent avec leur inspiration, alors que les politiques essaient de croire à leurs menteries, alors que les nourrissons pointent encore et toujours au chômage. Moi, ce qui m’importe, à ce moment précis, c’est savoir si son cœur lui dit que je suis un homme admirable.
De ce que je sais des femmes, je ne devrais pas m’avancer dans un sens ou un autre, mais je sens que si je pars maintenant, je peux tout perdre.

D'accord, la dimension dramatique est surement exagérée! Les choses ont l’importance qu’on leur donne et la gravité est l’ultime échelon. Il faut pourtant aimer avec toute la gravité du monde, ainsi notre souffrance en devient délicate et respectable. Dans ces cas là, ça n’est pas excessif de parler de drame amoureux. Il faut bien que certaines choses soient graves, non? Il y a les choses évidentes, car leur appellation est synonyme de douleur et il y a les choses plus subtiles auxquelles la gravité ajoute un certain cachet. C’est la preuve, en quelques sortes, d’une existence pleinement vécue.

Je ne sais pas trop, peut-être vais-je lui demander une deuxième mi-temps. Une deuxième chance, avec moins de bruit autour. Peut-être que cette fois là elle ne trouvera pas de cigarette, de briquet doré et de cendrier pour se faire semblant de se distraire de mon regard. Je vais tacher d’être moi comme jamais, je vais tacher d’attirer son attention par la plus grande simplicité. Et oui, car c’est moi que je viens présenter, pas celui que je suis quand je travaille, ni avec mes amis, mais bel et bien celui que je serai avec elle. C’est différent, elle doit le savoir…
Je prends conscience d’une chose; elle ne me connaitra jamais tout à fait, car mon écriture (que je garde pour moi) me définit mieux que mon physique. En effet, je ne suis pas responsable de mon apparence, mais par contre, je sais parfaitement ce que j’écris.

Aller! Je vais prétexter une urgence et nous allons nous revoir, bientôt.