L'homme au chat noir.

L'HOMME AU CHAT NOIR.



Souvent

je me perçois

comme l'arrière-garde postiche

bâtarde

d'un humanisme désuet

trahi

dépecé

jeté en pâture aux condescendances policées

des essences serviles les plus volatiles



quotidiennement

je me chronique

comme une banale cible en carton

de camp d'entraînement

criblée d'impacts victorieux

dénudée par les saisons orphelines

décolorée par les crachins

comme une chimère hors d'haleine

tentant désespérément de clamer

je suis là



face à la vitrine

des tombes alignées par milliers

face aux impacts d'obus

face aux ossuaires

je me ressens

comme une bannière obscène

un oubli d'anthologie

une inutilité malveillante



pourquoi

s'intéresser aux fantômes des casernes?



pourquoi se peinturlurer

du sang de guerres coloniales illégitimes?



pourquoi

divaguer sur les quais relégués?



pourquoi se grimer

avec la rouille des navires déclassés?



pourquoi pleurer

les oubliés de la loterie patriotique

que plus personne n'espère

ne réclame?



pourquoi me parachuter mentalement

sur les rizières vietnamiennes

comme à la recherche d'un visage proche

jamais entrevu?



pourquoi relire sans fin les plaies?



pourquoi ne plus perdre son temps

à briller dans les convenances encensées?

pourquoi tourner le dos

au fric

aux mains offertes des politiciens professionnels

aux corps jeunes

diligents

techniques

précis

des maîtresses de fonction?



on s'émancipe peu

en patrouille ou dans les tranchées

on s'use ou on meurt

et si l'on survit

on dit que bien souvent

seul le corps en revient



pourquoi suis-je incapable

de simplement profiter de la vie?



pourquoi ai-je toujours besoin

de n'être jamais bien loin

des images de l'homme au chat noir?


jim

beaucoup d'interrogations qui interpellent! Ce poème me parle (malgré une mise en page trop aérée qui ne le met pas en valeur)!

Bonjour, Daniele, comment va?
Merci pour ton passage. Oui, en effet, beaucoup d'interrogations dans ce texte. Ce sont des questions que je me pose réellement et depuis de nombreuses années. C'est cette longévité du questionnement que j'ai souhaité exprimer en aérant au maximum. Et puis, il y a aussi cette constatation faite lors de la vision de films ou de pièces de théâtre que les longues tirades des acteurs coulent souvent comme de source, comme si les personnages n'avaient pas besoin de réfléchir, de prendre leur souffle, d'hésiter avant de s'exprimer. Je me rends bien compte qu'un dialogue sur-hachuré freinerait la compréhension et fatiguerait l'auditeur mais parfois je me dis qu'un peu d'air ne ferait pas de tort non plus. Voilà, c'est juste une impression. A bientôt.

jim

c'est juste!! mais cela vient de moi:j'ai du mal avec la lecture sur écran alors que sur papier, un long texte ou un poème aéré me convient tres bien! Amitiés!

Je trouve qu'aéré ce poème est très bien mis en valeur.