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Quel rôle pour la poésie ?

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Quel rôle pour la poésie ? Empty Quel rôle pour la poésie ?

Message  jo hubert Ven 22 Juil - 19:09

J'aimerais connaître l'avis des autres membres sur cette question : quel est le rôle de la poésie dans la société contemporaine ?

Où se situent le poète et sa parole dans le contexte politique, social, culturel, actuel ?

La poésie est-elle un acte gratuit, pour la simple beauté des mots ?
Ou a-t-elle pour vocation de faire bouger les choses ?
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Message  Llew Ven 22 Juil - 22:08

Merci de cette question, ou plutôt de ces questions.

Pour répondre à la dernière "Je ne sais, et pourquoi des poètes en temps de manque " comme disait Hölderlin, je dirais et pourquoi pas ? La poésie n'a jamais fait changer les choses, mais est-ce là son but ?

La poésie est un art, comme tout art elle retranscrit une émotion, fait passer un message, mais cela est subjectif. C'est un vecteur, ce n'est pas la baton de dynamite, ce n'est pas l'explosif.

Etre témoin de son temps, etre témoin de son quotidien, être témoin du quotidien des autres, être témoin de ce qui nous entourre. En étant objectif ou subjectif. Par imitation, voici sans doute à quoi sert la poésie et cela est déjà pas mal.

Pour cela le travail du poète est en grande partie de l'observation, de la contemplation...De la nature des autres.

Voici ma réponse à ta question, mais ce n'est que ma vision personnelle de la poésie
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Message  jo hubert Sam 23 Juil - 11:33

Je pensais à des poètes comme Pablo Neruda, Federico Garcia Lorca, John Beecher, Paul Eluard et bien d'autres, dont les poèmes engagés ont eu une influence dans le domaine social et politique.

La poésie est un champ libre dans lequel peuvent s'expérimenter toutes sortes de combinaisons novatrices qui font évoluer la langue, des néologismes, d'improbables voisinages, cohabitations de mots, des audaces de ponctuation (ou son absence). Une telle liberté ne se retrouve dans aucune autre forme d'écriture. C'est dans ce sens que je considère la poésie comme un langage révolutionnaire et potentiellement subversif.

Témoins de leur temps, les poètes de la beat generation, disaient - déjà - leur désenchantement face à une société consumériste et embourgeoisée

Ecrire à la manière des auteurs du passé n'a pour moi pas beaucoup de sens, ce n'est tout au plus qu'un exercice de style. Mais la liberté dans l'expérimentation n'empêche pas une certaine rigueur en ce qui concerne la qualité de l'écrit. Liberté ne veut pas dire foutoir.

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Message  daniele dossot Sam 23 Juil - 15:39

entièrement d'accord avec tout ce qui a été écrit; pour Rimbaud, "le poète est "voleur de feu", donc voyant et en même temps prométhéen.Nous sommes engagés quelle que soit notre volonté des l'instant où nous écrivons pour d'autres; ce qui sousentend effectivement un travail artistique de qualité.
La poèsie engagée oui, à condition que ce ne soit pas un tract; la poèsie lyrique oui également à condition d'être tres pudique et pas égocentrique,la poésie sur la nature oui également à condition qu'elle nous serve à mieux appréhender le monde et à y trouver notre place en tant qu'Hommes et pas simplement parce que cela fait joli de parler des fleurs et des oiseaux.
Quant à savoir si elle est efficace? Je ne me fais plus d'illusions,dans ce siècle de bavardage où la parole est partout, j'ai bien peur que le poète ne soit plus entendu que par les siens (ce qui n'est déjà pas si mal tout compte fait!)
J'ai longtemps rêvé de commandos poètiques écrivant leurs paroles sur les murs de nos villes et je n'ai jamais osé (!!)je sais qu'une jeune poètesse s'y était risquée dans le métro parisien, tentative hélas récupérée par la RATP qui en a fait une manifestation culturelle officielle donc édulcorée.
Mais je suis probablement une vieille anarcho-pessimiste!! J'ai un petit espoir tout de même dans cet nouvelle agora qu'est le net!!Excusez-moi d'avoir été aussi longue mais la question était trop intéressante!! study

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Message  jo hubert Dim 24 Juil - 10:31

Merci, Danièle, pour ta réponse qui me paraît pleine de sagesse et de modération (surtout pour une "vieille anarcho-pessimiste" !). J'aime ta façon d'envisager les choses. Et je suis surtout d'accord quand tu dis qu'il ne suffit pas de parler de fleurs et d'oiseaux "pour faire joli" : cela n'a rien a voir avec la poésie mais avec la sensiblerie (ce qui est bien différent de la sensibilité).

Anar, je le suis aussi. Je n'ai jamais osé non plus taguer de poèmes les murs de la ville mais, par contre, il m'est arrivé, dans les librairies et les bibliothèques, de glisser des poèmes (ceux des autres, pas les miens !) dans des livres d'autres auteurs, surtout des polars ou des romans sentimentaux, histoire de donner à lire autre chose que le traintrain habituel. J'espère que cette démarche ne paraît pas trop didactique ou pédagogique, mon intention est seulement de faire vivre la poésie. J'ai des ami(e)s moins timides que moi qui font des "attentats poétiques", en abordant des gens dans la rue pour leur dire des textes de Rimbaud, de Baudelaire...

Et puis, avec un ami allemand, nous avions imaginé un "sentier de la poésie". Il avait tracé un parcours près de chez lui, à Euskirchen et, quand nous sommes arrivés là-bas (nous étions quatre), il nous a guidés et nous avons accroché des poèmes aux arbres, aux grilles des maisons, aux bancs des parcs, etc. Nous avons aussi lu des poèmes et notre ami nous a filmés.
Je mettrai les vidéos dans la rubrique ad hoc !
Voici déjà un lien : https://www.youtube.com/watch?v=JAnD6akT4Ls&feature=related

Au plaisir de te lire.

Jo



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Message  daniele dossot Dim 24 Juil - 18:48

voilà une excellente idée: faire des "parcours pètiques"; j'ai vu cela à Lorient:une promenade en bord de mer avec des bornes et des poèmes à lire face à la mer; cela plaisait beaucoup aux gens!
J'ai fait aussi ce genre d''expérience au lycée:avec un groupe d'élèves, nous avons "balancé" des feuillets avec des poèmes dans la cour à l-heure de la récré,cela avait produit son petit effet!!

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Message  daniele dossot Dim 24 Juil - 18:49

"parcours poètiques" pardon!!!

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Message  Llew Dim 24 Juil - 20:51

Fonction du Poète


I

Pourquoi t’exiler, ô poète,
Dans la foule où nous te voyons ?
Que sont pour ton âme inquiète
Les partis, chaos sans rayons ?
Dans leur atmosphère souillée
Meurt ta poésie effeuillée ;
Leur souffle égare ton encens.
Ton coeur, dans leurs luttes serviles,
Est comme ces gazons des villes
Rongés par les pieds des passants.

Dans les brumeuses capitales
N’entends-tu pas avec effroi,
Comme deux puissances fatales,
Se heurter le peuple et le roi ?
De ces haines que tout réveille
À quoi bon emplir ton oreille,
Ô Poète, ô maître, ô semeur ?
Tout entier au Dieu que tu nommes,
Ne te mêle pas à ces hommes
Qui vivent dans une rumeur !

Va résonner, âme épurée,
Dans le pacifique concert !
Va t’épanouir, fleur sacrée,
Sous les larges cieux du désert !
Ô rêveur, cherche les retraites,
Les abris, les grottes discrètes,
Et l’oubli pour trouver l’amour,
Et le silence, afin d’entendre
La voix d’en haut, sévère et tendre,
Et l’ombre, afin de voir le jour !

Va dans les bois ! va sur les plages !
Compose tes chants inspirés
Avec la chanson des feuillages
Et l’hymne des flots azurés !
Dieu t’attend dans les solitudes ;
Dieu n’est pas dans les multitudes ;
L’homme est petit, ingrat et vain.
Dans les champs tout vibre et soupire.
La nature est la grande lyre,
Le poète est l’archet divin !

Sors de nos tempêtes, ô sage !
Que pour toi l’empire en travail,
Qui fait son périlleux passage
Sans boussole et sans gouvernail,
Soit comme un vaisseau qu’en décembre
Le pêcheur, du fond de sa chambre
Où pendent les filets séchés,
Entend la nuit passer dans l’ombre
Avec un bruit sinistre et sombre
De mâts frissonnants et penchés !

II

Hélas ! hélas ! dit le poète,
J’ai l’amour des eaux et des bois ;
Ma meilleure pensée est faite
De ce que murmure leur voix.
La création est sans haine.
Là, point d’obstacle et point de chaîne.
Les prés, les monts, sont bienfaisants ;
Les soleils m’expliquent les roses ;
Dans la sérénité des choses
Mon âme rayonne en tous sens.

Je vous aime, ô sainte nature !
Je voudrais m’absorber en vous ;
Mais, dans ce siècle d’aventure,
Chacun, hélas ! se doit à tous.
Toute pensée est une force.
Dieu fit la sève pour l’écorce,
Pour l’oiseau les rameaux fleuris,
Le ruisseau pour l’herbe des plaines,
Pour les bouches, les coupes pleines,
Et le penseur pour les esprits !

Dieu le veut, dans les temps contraires,
Chacun travaille et chacun sert.
Malheur à qui dit à ses frères :
Je retourne dans le désert !
Malheur à qui prend des sandales
Quand les haines et les scandales
Tourmentent le peuple agité ;
Honte au penseur qui se mutile,
Et s’en va, chanteur inutile,
Par la porte de la cité !

Le poète en des jours impies
Vient préparer des jours meilleurs.
Il est l’homme des utopies ;
Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C’est lui qui sur toutes les têtes,
En tout temps, pareil aux prophètes,
Dans sa main, où tout peut tenir,
Doit, qu’on l’insulte ou qu’on le loue,
Comme une torche qu’il secoue,
Faire flamboyer l’avenir !

Il voit, quand les peuples végètent !
Ses rêves, toujours pleins d’amour,
Sont faits des ombres que lui jettent
Les choses qui seront un jour.
On le raille. Qu’importe ? il pense.
Plus d’une âme inscrit en silence
Ce que la foule n’entend pas.
Il plaint ses contempteurs frivoles ;
Et maint faux sage à ses paroles
Rit tout haut et songe tout bas !

Foule qui répands sur nos rêves
Le doute et l’ironie à flots,
Comme l’océan sur les grèves
Répand son râle et ses sanglots,
L’idée auguste qui t’égaie
À cette heure encore bégaie ;
Mais de la vie elle a le sceau !
Ève contient la race humaine,
Un oeuf l’aiglon, un gland le chêne !
Une utopie est un berceau !

De ce berceau, quand viendra l’heure,
Vous verrez sortir, éblouis,
Une société meilleure
Pour des coeurs mieux épanouis,
Le devoir que le droit enfante,
L’ordre saint, la foi triomphante,
Et les moeurs, ce groupe mouvant
Qui toujours, joyeux ou morose,
Sur ses pas sème quelque chose
Que la loi récolte en rêvant !

Mais, pour couver ces puissants germes,
Il faut tous les coeurs inspirés,
Tous les coeurs purs, tous les coeurs fermes,
De rayons divins pénétrés.
Sans matelots la nef chavire ;
Et, comme aux deux flancs d’un navire,
Il faut que Dieu, de tous compris,
Pour fendre la foule insensée,
Aux deux côtés de sa pensée
Fasse ramer de grands esprits !

Loin de vous, saintes théories,
Codes promis à l’avenir,
Ce rhéteur aux lèvres flétries,
Sans espoir et sans souvenir,
Qui jadis suivait votre étoile,
Mais qui, depuis, jetant le voile
Où s’abrite l’illusion,
A laissé violer son âme
Par tout ce qu’ont de plus infâme
L’avarice et l’ambition !

Géant d’orgueil à l’âme naine,
Dissipateur du vrai trésor,
Qui, repu de science humaine,
A voulu se repaître d’or,
Et, portant des valets au maître
Son faux sourire d’ancien prêtre
Qui vendit sa divinité,
S’enivre, à l’heure où d’autres pensent,
Dans cette orgie impure où dansent
Les abus au rire effronté !

Loin ces scribes au coeur sordide,
Qui dans l’ombre ont dit sans effroi
À la corruption splendide :
Courtisane, caresse-moi !
Et qui parfois, dans leur ivresse,
Du temple où rêva leur jeunesse
Osent reprendre les chemins,
Et, leurs faces encor fardées,
Approcher les chastes idées,
L’odeur de la débauche aux mains !

Loin ces docteurs dont se défie
Le sage, sévère à regret !
Qui font de la philosophie
Une échoppe à leur intérêt !
Marchands vils qu’une église abrite !
Qu’on voit, noire engeance hypocrite,
De sacs d’or gonfler leur manteau,
Troubler le prêtre qui contemple,
Et sur les colonnes du temple
Clouer leur immonde écriteau !

Loin de vous ces jeunes infâmes
Dont les jours, comptés par la nuit,
Se passent à flétrir des femmes
Que la faim aux antres conduit !
Lâches à qui, dans leur délire,
Une voix secrète doit dire :
Cette femme que l’or salit,
Que souille l’orgie où tu tombes,
N’eut qu’à choisir entre deux tombes :
La morgue hideuse ou ton lit !

Loin de vous les vaines colères
Qui s’agitent au carrefour !
Loin de vous ces chats populaires
Qui seront tigres quelque jour !
Les flatteurs du peuple ou du trône !
L’égoïste qui de sa zone
Se fait le centre et le milieu !
Et tous ceux qui, tisons sans flamme,
N’ont pas dans leur poitrine une âme,
Et n’ont pas dans leur âme un Dieu !

Si nous n’avions que de tels hommes,
Juste Dieu ! comme avec douleur
Le poète au siècle où nous sommes
Irait criant : Malheur ! malheur !
On le verrait voiler sa face ;
Et, pleurant le jour qui s’efface,
Debout au seuil de sa maison,
Devant la nuit prête à descendre,
Sinistre, jeter de la cendre
Aux quatre points de l’horizon !

Tels que l’autour dans les nuées,
On entendrait rire, vainqueurs,
Les noirs poètes des huées,
Les Aristophanes moqueurs.
Pour flétrir nos hontes sans nombre,
Pétrone, réveillé dans l’ombre,
Saisirait son stylet romain.
Autour de notre infâme époque
L’iambe boiteux d’Archiloque
Bondirait, le fouet à la main !

Mais Dieu jamais ne se retire.
Non ! jamais, par les monts caché,
Ce soleil, vers qui tout aspire,
Ne s’est complètement couché !
Toujours, pour les mornes vallées,
Pour les âmes d’ombre aveuglées,
Pour les coeurs que l’orgueil corrompt,
Il laisse au-dessus de l’abîme,
Quelques rayons sur une cime,
Quelques vérités sur un front !

Courage donc ! esprit, pensées,
Cerveaux d’anxiétés rongés,
Coeurs malades, âmes blessées,
Vous qui priez, vous qui songez !

Ô générations ! courage !
Vous qui venez comme à regret,
Avec le bruit que fait l’orage
Dans les arbres de la forêt !

Douteurs errants sans but ni trêve,
Qui croyez, étendant la main,
Voir les formes de votre rêve
Dans les ténèbres du chemin !

Philosophes dont l’esprit souffre,
Et qui, pleins d’un effroi divin,
Vous cramponnez au bord du gouffre,
Pendus aux ronces du ravin !

Naufragés de tous les systèmes,
Qui de ce flot triste et vainqueur
Sortez tremblants et de vous-mêmes
N’avez sauvé que votre coeur !

Sages qui voyez l’aube éclore
Tous les matins parmi les fleurs,
Et qui revenez de l’aurore,
Trempés de célestes lueurs !

Lutteurs qui pour laver vos membres
Avant le jour êtes debout !
Rêveurs qui rêvez dans vos chambres,
L’oeil perdu dans l’ombre de tout !

Vous, hommes de persévérance,
Qui voulez toujours le bonheur,
Et tenez encor l’espérance,
Ce pan du manteau du Seigneur !

Chercheurs qu’une lampe accompagne !
Pasteurs armés de l’aiguillon !
Courage à tous sur la montagne !
Courage à tous dans le vallon !

Pourvu que chacun de vous suive
Un sentier ou bien un sillon ;
Que, flot sombre, il ait Dieu pour rive,
Et, nuage, pour aquilon ;

Pourvu qu’il ait sa foi qu’il garde,
Et qu’en sa joie ou sa douleur
Parfois doucement il regarde
Un enfant, un astre, une fleur ;

Pourvu qu’il sente, esclave ou libre,
Tenant à tout par un côté,
Vibrer en lui par quelque fibre
L’universelle humanité ;

Courage ! - Dans l’ombre et l’écume
Le but apparaîtra bientôt !
Le genre humain dans une brume,
C’est l’énigme et non pas le mot !

Assez de nuit et de tempête
A passé sur vos fronts penchés.
Levez les yeux ! levez la tête !
La lumière est là-haut ! marchez !

Peuples ! écoutez le poète !
Écoutez le rêveur sacré !
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé.
Des temps futurs perçants les ombres,
Lui seul distingue en leurs flancs sombres
Le germe qui n’est pas éclos.
Homme, il est doux comme une femme.
Dieu parle à voix basse à son âme
Comme aux forêts et comme aux flots.

C’est lui qui, malgré les épines,
L’envie et la dérision,
Marche, courbé dans vos ruines,
Ramassant la tradition.
De la tradition féconde
Sort tout ce qui couvre le monde,
Tout ce que le ciel peut bénir,
Toute idée, humaine ou divine,
Qui prend le passé pour racine
A pour feuillage l’avenir.

Peuples ! écoutez le poète !
Écoutez le rêveur sacré !
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé !
Des temps futurs perçant les ombres,
Lui seul distingue en leurs flancs sombres
Le germe qui n’est pas éclos.
Homme, il est doux comme une femme.
Dieu parle à voix basse à son âme
Comme aux forêts et comme aux flots !

C’est lui qui, malgré les épines,
L’envie et la dérision,
Marche, courbé dans vos ruines,
Ramassant la tradition.
De la tradition féconde
Sort tout ce qui couvre le monde,
Tout ce que le ciel peut bénir.
Toute idée, humaine ou divine,
Qui prend le passé pour racine
A pour feuillage l’avenir.

Il rayonne ! il jette sa flamme
Sur l’éternelle vérité !
Il la fait resplendir pour l’âme
D’une merveilleuse clarté.
Il inonde de sa lumière
Ville et désert, Louvre et chaumière,
Et les plaines et les hauteurs ;
À tous d’en haut il la dévoile ;
Car la poésie est l’étoile
Qui mène à Dieu rois et pasteurs !

Victor Hugo
Les Rayons et les ombres
1840



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Message  daniele dossot Lun 25 Juil - 8:51

oui, pour Hugo le poète est prophète! Mais c'est surtout son action politique qui a été efficace!
Je me faisais hier cette remarque que cette question qui nous turlupine, les poètes ont commencé à se la poser avec le romantisme au XIX°; auparavant, cela ne les génait pas d'être simplement des amuseurs de cour! (même d'Aubigné!).Pensons à Villon qui a écrit son Testament uniquement pour sauver sa peau!! Ce qui n'enlève rien de l'universalité de son chf d'oeuvre! Malheureusement nous n'avons plus nous, ni protecteurs ni mécènes...

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Message  Llew Lun 25 Juil - 20:41

Non il est clair que la poésie à peu ou pas de place dans la culturemarchandise actuelle. Tout passe vite, est standartisé, formaté pour plaire, pour rapporter. Concept hors du chemin de la poésie
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Message  sousmarin Mar 26 Juil - 23:04

La technique n’est pas une fin en soi, elle sert le message et ne sert pas de lui.

La poésie, de tout temps, a fait bouger les choses ; en tant que vectrice d’émotions, c’est un rôle qui lui va comme un gant ! Combien de chants poétiques, à commencer par la Marseillaise, ont-ils contribués à un changement ?

Un poème est une bouteille à la mer. Bien sûr, beaucoup de bouteilles coulent (certaines sont trop lourdes ou trop légères, d’autres manque d’épaisseur ou tout simplement le vent ne les emmène pas à la bonne plage), mais quelques unes trouvent des bouches…et si ces bouches trouvent des oreilles…

Le poète, trifouillant dans les méandres de ses émotions et de son subconscient, envoie ses poèmes…s’ils ne trouvent personne, il n’a plus qu’à les remettre dans sa plume… Razz

Ceci dit, le poète ne déroge pas à une règle universelle : Succès n’est pas synonyme de qualité et qualité ne l’est pas davantage de vérité.
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